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Festival International de Mode et de Photographie de Hyères 2014

Connu pour son esprit créateur et sa propension à découvrir de nouveaux talents, le festival international de mode et de photographie de Hyères a clôturé sa 29ème édition le week-end dernier. Réunis à la villa Noailles, les 10 créateurs finalistes n’ont eu de cesse de présenter leurs univers et leurs travaux aux yeux de tous. Parmi l’ensemble des candidats aux huit nationalités différentes, c’est le japonais Kenta Matsushige qui a remporté dimanche le Grand Prix du jury Première Vision. 

Le caractère très épuré de sa collection aura ainsi eu l’unanimité auprès des membres du jury présidé cette année par le duo de designers de Kenzo ; Carol Lim et Humberto Leon. Très féminines, les créations qu’il propose se démarquent par l’attrait architectural de leurs coupes. Articulées autour de couleurs neutres, ces coupes alternent entre lignes droites et effets courbés. La silhouette qui en découle donne l’image d’une femme moderne et élégante, usant de codes urbains et campagnards en guise de confrontation. 


A titre d’exercice supplémentaire, les candidats devaient construire, en plus de leur ligne respective, une silhouette spécifique, inspirée par l’univers de la maison Chloé; partenaire et sponsors du festival. A cet exercice, ce sont l’Autrichienne Roshi Porkar et la Néerlandaise Liselore Frowijn qui ont remporté le prix. 
La collection de Roshi Porkar, diplômée de l’université des Arts appliqués de Vienne, fait référence aux princesses Bactrianes et travaille donc pour l’occasion les vêtements dans des volumes protecteurs. Taillées dans de la fausse fourrure, les silhouettes qu’elle présente marquent la taille et jouent de matières pour mieux s’approprier la notion de modernité. Les frontières des vêtements y sont ainsi repoussées pour donner au corps de nouvelles perspectives. 

Liselore Frowijn produit de son côté une collection colorée et délurée. Diplômée de Arnhem, elle donne à sa collection une vision luxe et sportswear au dressing féminin. Admiratrice du travail de Matisse, la jeune créatrice explique s’en être grandement inspiré pour assembler les formes et couleurs de sa ligne. Voulues tel un tableau, elle a elle même peint les motifs de ses pièces afin d’y apposer de façon certaine sa propre patte. 

Outre leurs collections respectives, les deux silhouettes présentées par ces jeunes stylistes incarnent pleinement l’attitude Chloé. Leurs réinterprétations d'une femme libre et active inspirée d’un esthétisme moderne et urbain à la fois ravivent la philosophie même de la maison Chloé. 

En complément de ces deux premiers prix, la française Coralie Marabelle a remporté le Prix du Public et de la ville de Hyères. Inspirée par la vision d’un reportage datant des années 1950 lui permettant de découvrir les vêtements traditionnels des tondeurs de moutons vivant en Iran, elle invente une collection en guise de réinterprétation où les matières font référence à la peau de mouton. Le travail fait sur les épaules et l’apport des chapeaux sont les points forts de ces références et marquent visuellement la silhouette d’une envergure traditionnelle. 

Enfin, Yulia Yefimtchuk, diplômée de l’Institut des Arts Décoratifs de Kiev, a reçu une mention spéciale décernée par Opening Ceremony afin d’encourager vivement le travail de cette jeune Ukrainienne. Faisant oublier un temps la fracture actuelle exerçant dans son pays, la collection de cette jeune créatrice prend racine dans l’histoire même de sa patrie. Dans un minimalisme appliqué, elle s’interroge efficacement sur la représentation de la femme au temps du communisme. Le caractère classique mais structuré de ses créations fait ainsi référence à cette période de propagande et rend hommage au monde ouvrier en apportant une grande place aux vêtements de travail. De par son ouvrage, elle dénonce ainsi autant la commercialisation capitaliste de la féminité que l'endoctrinement absurde du communisme. Une forme de féminisme bien libérateur sur grand nombre de points. 

En marge de ces prix, il est également intéressant de revenir sur le travail des autres finalistes. 
Louis-Gabriel Nouchi, actuellement étudiant à la Cambre, sait susciter l’intérêt en retravaillant sur les formes géométriques. Inspiré par les cercles de Geta Bratescu lors d’une visite au Palais de Tokyo, le créateur retravaille la notion d'espace sur le vêtement avec ingéniosité, permettant d'apporter à la femme un tempérament unique. La force de ses patchworks et le mélange des matières qui en découlent provoquent le regard et contrastent habilement avec les coupes looses, symbole d’une décontraction habillée. 

Dernière candidate à proposer un vestiaire féminin, Marit Illison diplômée en fashion design à l’Estonian Academy of Arts nous plonge dans l’hiver Estonnien et la paresse qu’il suscite afin de mieux habiller la femme d’une fervente addiction au confort d’un manteau moelleux rebrodé de cristaux Swarovski. Construite à l’image d’une couverture, sa collection joue sur ce confort en déclinant préférentiellement des manteaux. Leurs applications laissent place à plus de gaité dans le choix des couleurs et les références graphiques apposées aux pièces. 

Du côté des hommes, bien qu’aucune des collections qui leur sont destinées n’ait été récompensée, elles n’en sont pas pour le moins intéressantes. 
Anne Kluytenaar, diplômée tout comme Liselore Frowijn de l’Arnhem s’est inspirée de sa propre histoire afin d’habiller l’homme d’une touche plus féminine. Après le coming-out de son père qui du jour au lendemain a décidé de se travestir, la créatrice s’est questionnée sur la méthode à entreprendre afin que des tenues féminines ne viennent pas renforcer la masculinité des hommes en accentuant la largeur des épaules et en marquant la finesse des hanches, lorsqu'ils les portent. De ce constat est né un véritable défi plutôt réussi. Cultivant cette ambiguité, son travail respecte la silhouette masculine. Directement inspirées de Chanel, ses silhouettes ne marquent pas la taille et donnent plus de place aux épaules. L’attrait féminin se retrouve surtout sur les détails et les matières utilisées. Un beau compromis liant féminin et masculin au delà des genres. 

Diplômée de l’Art Academia of Latvia, Agnese Narnicka s’inspire en revanche de l’univers des chantiers, avec les tenues des hommes qui y travaillent et la diversité des couleurs et textures de ces milieux, pour construire une collection à la dérive urbaine et futuriste. Multipliant les superpositions, les silhouettes jouent sur les matières pour mieux convenir d’une allure contemporaine. Les matières plastiques y occupent ainsi une place importante et se marient en toute adéquation avec les couleurs électriques et les effets réfléchissants utilisés. La styliste cherche ainsi à capter une réalité urbaine où la modernité est le symbole d’une virilité assumée. 

Le dernier candidat n'est pour nous pas des moindres, puisqu’il s’agit du designer qui aura suscité en nous le plus de sensations. 
Diplômé de la Cambre en 2013, Pablo Henrard revendique un dressing masculin plus large que les acquis conventionels. Pour cela, il fait tout simplement le choix de claquer la porte aux traditionnels costumes pour s’attacher à donner plus de mouvements autour du corps de l’homme. Le fait de dévoiler d’avantage les jambes ou d’implanter un grand nombre d’asymétries parfaitement assumées en sont de sublimes exemples. Avec une audace comparable à J.W. Anderson, ce jeune Belge installé aujourd’hui à Paris, revisite le roman de Jules Vernes « Vingt mille lieues sous les mers » afin de révéler la sensualité du corps masculin. S’inspirant de la fluidité et de la transparence des milieux aquatiques, il brouille ainsi les interprétations pour mieux fusionner les genres.
 

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